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Une collection d'ouvrages sur Notre-Dame-du-Laus

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Je viens de compléter ma petite collection d'ouvrages sur le pèlerinage marial de Notre-Dame-du-Laus, dans les Hautes-Alpes. Ce pèlerinage, qui fait suite aux apparitions de la Vierge à la bergère Benoite Rencurel au XVIIe siècle, a donné lieu à toute une littérature édifiante, qui commence par la publication d'un Recueil historique des merveilles que Dieu a opérées à Notre-Dame du Laus, près Gap, en Dauphiné, par l'intercession de la sainte Vierge, et des principaux traits de la vie de Benoite Rencurel, surnommée la bergère du Laus, en 1736, premier témoignage imprimé sur ces apparitions.


La carcatéristique de cet ouvrage est qu'il en a été donné 4 éditions, toutes à la même date, avec, comme seule constante, le texte central en 16 chapitres qui décrit la vie de la bergère  Benoite Rencurel, le récit des apparitions et des débuts du culte local autour de ces apparitions.

Ces 4 éditions diffèrent pas les pièces ajoutées (Avertissement, Avis au lecteur, Cantate, Fautes à corriger) et par la présence ou non d'un gravure en frontispice représentant l'apparition de la vierge à Benoite Rencurel.

J'ai commencé à les étudier et en analyser les différences. Si on les appelle a, b, c et d, on constate une grande proximité entre l'édition a) qui ne comporte pas de gravure en frontispice :




et l'édition b) :


qui comporte une belle gravure, signée de F. de Poilly :



L'édition c) diffère par la page de titre, même si l'on trouve encore quelques similitudes avec les deux éditions précédentes, malgré la vignette changée :



et par la gravure, qui semble une copie moins fine et inversée de la précédente. La signature a disparu. Est-ce que cette édition est une contrefaçon ? Est-ce une une édition tardive, car certains exemplaires portent une indulgence datée de 1756 ?  En effet, pour ne rien simplifiée, pour une même édition, il y a des différences minimes entre mon exemplaire et ceux que l'on peut consulter numérisés sur Internet.



Il y a enfin l'édition d) qui a une typographie complétement renouvelée et plus "moderne" :



alors qu'au même moment, la gravure sur bois est franchement naïve :



Sans conteste, par la présence de la même indulgence datée de 1756, cette édition est postérieure à cette date, malgré celle de 1736 marquée au titre.

Cette diversité se retrouve aussi dans les conditions :

a) est brochée.
b) est conservée sous un cartonnage, probablement du XIXe siècle.



c) est reliée dans une modeste basane qui a subi les affres du temps. La reliure doit être d'époque.


Elle porte un naïf ex-libris manuscrit  :



d) est conservée sous une reliure romantique, avec un beau dos lisse orné de fleurons romantiques et des plats en percaline portant un motif (probablement une plaque) estampé à froid.

 J'aime beaucoup ces éditions populaires d'un texte qui ne l'est pas moins. Il m'a fallu plus de 10 ans pour rassembler ces 4 éditions (je ne sais même pas si c'est le terme adapté). Je vais les décrire soigneusement et ainsi publier la première description précise des 4 éditions. Il faudra ensuite que je m'attaque aux nombreuses rééditions du XIXe siècle, qui ont été suivies par de nombreuses études et par de pas moins nombreux ouvrages de piété, en particulier au moment du renouveau de ce culte marial, sous le Second Empire.Ce pèlerinage, toujours vivant, a connu une nouvelle actualité sous l'impulsion de l'évêque de Gap Di Faclo et des fameux prêtres dont les chants doivent servir à financer un nouveau centre.

Rq : depuis la rédaction de ce message, j'ai avancé en faisant une étude comparative précise entre les 4 exemplaires que vous pouvez consulter sur cette page (cliquez-ici) et plus particulièrement dans ce tableau comparatif (cliquez-ici).

Pour finir, quelques images glanées sur Internet :




Un livre de montagne inconnu (de moi) et autre nouvelles

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Un lecteur du blog m'a récemment fait découvrir un livre que je ne connaissais pas. Les quelques photos qu'il m'a envoyées m'ont convaincu qu'il fallait que je parte à la chasse.

Certes, j'avais déjà croisé le titre, mais il fallait quelques photos pour tout d'un coup créer l'envie. Il s'agit de Peaks in Pen and Pencil for Students of Alpine Scenery, par Elijah Walton et Thomas George Bonney. Paru à Londres en 1872, il s'agit d'un recueil de 26 planches lithographiées reprenant des dessins par E. Walton des principaux sommets des Alpes. Le texte est de T. G. Bonney, un des premiers explorateurs des Alpes dauphinoises, auteur entre autres de Outline Sketches in The High Alps of Dauphiné, un des plus beaux livres sur le massif des Ecrins.

Mon lecteur, sachant mon intêret plus particulier pour les Alpes dauphinoises, m'a envoyé les 4 planches représentant des sommets de ce massif. D'abord une très belle vue de la Meije, alors appelée Dent du Midi de la Grave :



Deux vues du Pelvoux




Une vue des Grande-Rousses.



Magnifique, isn't it ?

Les autres nouvelles du jour sont d'abord que j'ai pu compléter la page que je consacre à l'illustrateur Eugène Tézier, dont j'ai parlé en début d'année. Là-aussi, c'est un lecteur de ce blog et du site qui m'a apporté des éléments très intéressants, en particulier sous la forme de trois articles sur Eugène Tézier. Cela a permis de mettre un visage sur le nom à travers trois autoportraits. Certes, le premier est un peu mondain :


Mais les deux autres nous permettent mieux de l'imaginer dans son cadre montagnard :



J'ai ainsi pu imaginer qu'il s'était lui-mêle représenter sur la page de titre de Nos Alpins. En effet, il y a une grande ressemblance et cela semble être une des ses habitudes de se représenter dans ses œuvres.


J'ai aussi appris qu'il a peint deux grands tableaux pour orner l'Hôtel Terminus de Briançon, un hôtel qui se trouvait sur le côté de la gare de Briançon. Ces tableaux de grandes dimensions (8 mètres sur 3) représentaient l'un une vue de Monétier-les-Bains et l'autre le paysage depuis le Lautaret, avec la Meije. Que sont-ils devenus ? Ce serait une véritable découverte que de pouvoir remettre la main dessus, après plus de 100 ans. J'ai complété la page que j'ai consacrée à Eugène Tézier (cliquez-ici) et pour vous rafraîchir la mémoire, je rappelle qu'il est l'illustrateur de Nos Alpins, sur des textes d'Henri Second, paru en 1898.


J'en profite pour remercier les deux lecteurs qui m'ont fourni tant de renseignements et de documents qui m'ont permis de faire une page très complète (la plus complète existante à l'heure actuelle sur Internet).

Enfin, dernière nouvelle du jour, dans le message précédent, je présentais mes 4 éditions de 1736 du Recueil historique des merveilles que Dieu a opérées à Notre-Dame du Laus, près Gap, en Dauphiné, par l'intercession de la sainte Vierge, et des principaux traits de la vie de Benoite Rencurel, surnommée la bergère du Laus. J'ai avancé depuis en faisant une étude comparative précise entre les 4 exemplaires que vous pouvez consulter sur cette page (cliquez-ici) et plus particulièrement dans ce tableau comparatif (cliquez-ici).

Il reste encore du travail à faire car rien que sur Google Books, les 2 exemplaires numérisés présentent des différences avec une des 4 éditions référencés ici. Voilà un beau problème de description bibliographique !

Petite satisfaction d'amour propre, j'ai constaté qu'il n'y avait que la Bibliothèque Municipale de Grenoble qui possédait la collection complète des 4 éditions. La BNF n'en contient qu'une seule et fort peu d'autres dépôts publiques en ont au moins une (Aix-en-Provence : Bibliothèque Méjanes, Marseille, Avignon et Paris : Institut Catholique).

Comment finir ce message ? En annonçant la prochaine description d'un ouvrage relativement courant sur le Dauphiné, dans une belle reliure d'époque en veau glacé et orné d'une belle "brochette" d'ex-libris.



Suite au prochain numéro...

Description du Dauphiné, de la Savoie, du Comtat-Venaissin, de la Bresse et d'une partie de la Provence, de la Suisse et du Piémont au XVIe siècle, par Aymar du Rivail, traduit par Antonin Macé

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En 1852, le professeur Antonin Macé, parfois connu sous le nom de Macé de Lépinay, breton d'origine, veut signer son entrée dans le Dauphiné en permettant à bon nombre de ses nouveaux concitoyens d'accèder à un texte qui n'était alors disponible qu'en latin. Il s'agissait du premier livre de l'Histoire des Allobroges d'Aymar du Rivail, écrit dans la première moitié du XVIe siècle en latin, premier livre qui donnait une description du pays des Allobroges et de certains de ses confins, autrement dit du Dauphiné, de la Savoie, du nord de la Provence (le Comtat-Venaissin) et de la Bresse.


C'est ainsi qu'est paru en 1852, chez les libraires Charles Vellot et F. Allier :
Description du Dauphiné, de la Savoie, du Comtat-Venaissin, de la Bresse et d'une partie de la Provence, de la Suisse et du Piémont au XVIesiècle; Extraite du premier livre de l'Histoire des Allobroges par Aymar Du Rivail, Traduite, pour la première fois, sur le texte original publié par M. Alfred de Terrebasse; précédée d'un introduction et accompagnée de notes historiques et géographiques par  
M. Antonin Macé, Ancien élève de l'école normale supérieure, Professeur d'histoire à la Faculté des lettres de Grenoble
Grenoble, Ch. Vellot & Cie, libraires, F. Allier père & fils, imprimeurs, 1852, in-8°, XXXVI-364 pp.


Il s'agit de la traduction du premier livre de l'Histoire des Allobrogesd'Aymar du Rivail, qui donne la description d'une vaste zone couvrant la Savoie et le Dauphiné, en y incluant la Bresse au nord, et le Comtat-Venaissin au sud. Ce texte, écrit dans la première moitié du XVIesiècle, a d'abord été publié en 1844 dans sa version latine, ce qui le rendait guère accessible au public cultivé, interessé par l'histoire de la région. Antonin Macé a entrepris de le traduire, complété de notes, pour le faire connaître au public dauphinois. Récemment arrivé dans la région, c'est sa première contribution à l'histoire régionale.

Dans cette volonté de mettre à disposition du plus grand nombre un texte qui était inaccessible à la plupart, parce que publié en latin, on peut y voir une application pratique des idées libérales et démocratiques d'Antonin Macé. Cela va dans le même sens que les cours populaires qu'il délivrera de 1854 à 1875 pour mettre le savoir historique à la portée de tous.

Dans son Avant-propos, A. Macé se faisait le promoteur des guides régionaux : "Avec leur esprit pratique, les Anglais ont, dans leurs Hand-Books, d'excellents modèles d'une classe intermédiaire de livres que je voudrais qu'on imitât en France. Moins secs, moins arides, moins hérissés de chiffres et de tableaux que nos Statistiques, ils sont bien autrement sérieux et instructifs que nos prétendus Guides du voyageur. On y trouve des notions simples, précises, exactes, sur la géographie physique de chaque pays, c'est-à-dire sur les montagnes, les vallées, les golfes, les îles, les fleuves, les cours d'eau; sur les canaux, les routes et leurs relais, les chemins de fer, les distances relatives des villes et même des villages;  les antiquités, les monuments, les souvenirs historiques; le commerce, l'industrie, l'agriculture; le tout accompagné de plans, de cartes, de vues admirablement exactes, et dans lesquelles l'art ne perd rien quoiqu'il n'emprunte rien à l'imagination." Par cet ouvrage, il espère contribuer à cela. Il trace aussi la voie aux futurs ouvrages qu'il fera paraître. En effet, c'est le premier travail publié par Antonin Macé, breton d'origine, que le hasard des affectations a conduit en Dauphiné, région à laquelle il s'attachera et dont il deviendra un des promoteurs. Ce premier ouvrage est aussi un façon de faire connaître le passé et la diversité de la province. Plus tard, il sera un des pionniers du tourisme en Dauphiné par ses guides des chemins de fer, puis ses deux plaquettes sur les montagnes de Saint-Nizier et surtout sur Belledonne. Sur ce dernier point, il sera même un des pionniers de la découverte et de la promotion des Alpes dauphinoises.

Je vous laisse découvrir cet ouvrage, dans la description que j'en ai donnée (cliquez-ici). Comme on l'imagine, si tout le département des Hautes-Alpes est bien représenté, la description des montagnes est totalement absente. Le seul sommet cité est le Mont-Viso. Malheureusement, Antonin Macé ne nous renseigne guère. Sa note sur le Vénéon montre que la topographie de la région était encore très approximative pour notre savant, ce qu'il partage avec les autres écrivains sur les Alpes dauphinoises, jusqu'aux années 1860 : "Le Vénéon formé de deux torrents le Vénéon proprement dit, qui prend sa source à la pointe de Chiare, le Lavet, qui sort de la pointe de la Muande dans le mont.Pelvoux, la plus haute montagne de France ( 4 300 mètres ). Après sa jonction avec le Lavet, le Vénéon arrose les vallées de Saint-Christophe et de Venosc en Oisans, et va enfin se jeter dans la Romanche un peu au-dessus du Bourg-d'Oisans." 

Les notes d'Antonin Macé sont souvent très instructives, bien que très érudites. Les deux notes renvoyées en appendices sont :
Des divers systèmes sur le passage des Alpes par Annibal. Les contradictions d'Aymar du Rivail à ce sujet sont l'occasion, pour Antonin Macé, de développer largement ses réflexions et son opinion sur le passage d'Annibal. Il se range à l'hypothèse du passage par le Mont-Cenis, en s'appuyant en particulier sur l'ouvrage de Larauza. Les hypothèses par les cols des Hautes-Alpes (Monte-Genèvre, Mont-Viso, Queyras, etc.) sont réfutées et discutées.
Des routes actuelles dans les Alpes, qui contient en particulier un développement sur la route du Mont-Genèvre.

Pour mieux connaître Antonin Macé de Lépinay, je lui ai consacré une notice biographique, complétée d'une bibliographie. Vous pouvez la consulter en cliquant ici. J'ai trouvé beaucoup d'informations dans la consultation de son dossier numérisé de la Légion d'Honneur, consultable sur Internet.

Antonin Macé de Lépinay (1812-1891)

Le manuscrit original d'Aymar du Rivail a été publié pour la première fois par Alfred de Terrebasse, en 1844, après avoir retrouvé la partie qui avait disparu. Cette publication a reproduit le texte latin, avec des notes en latin. Seule l'introduction est en français, avec quelques éléments sur la vie d'Aymar du Rivail. Cette belle publication, sortie des presses de Louis Perrin, était réservée à des érudits :
Aymari Rivallii [Aymar du Rivail], Delphinatis. De Allobrogibus. Libri novem. Ex autographo codice Bibliothecae Regis editi. Cura et Sumptibus Aelfredi de Terrebasse [Alfred de Terrebasse].
Viennae Allobrogum, apud Jacobum Girard, bibliopolam [Vienne, Jacques Girard, Libraire], 1844, in-8°, [6]-XXVII-608 pp.
Pour voir la notice, cliquez-ici et le messages sur ce blog : "De Allobrogibus", une édition de 1844, des presses de Louis Perrin





Pour finir, cet ouvrage, bien relié, a d'abord appartenu à Laurent de Crozet, puis à son fils Amédée de Crozet et enfin à Charles Schefer, comme l'indique les trois ex-libris héraldiques disposés en colonne, par ordre chronologique des propriétaires de haut en bas, sur le premier contre-plat.



J'ai rassemblé quelques éléments sur ces différents propriétaires : cliquez-ici.




La "bienveillance" entre érudits locaux...

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Les relations entre les érudits locaux n'étaient pas toujours bienveillantes ! Pour preuve le commentaire peu amène de Joseph Roman sur le travail de publication d'Aristide Albert :

Voir la transcription plus bas dans le message.

Il se termine par "C'est le néant" ! Tout est dit.

Pour revenir au début de l'histoire :
En 1639, un avocat de Briançon, Antoine Froment, publie un ouvrage sur Briançon, qui fait suite à l'incendie qui ravagea la ville en 1624. Cet ouvrage, le premier sur Briançon, est vite devenu introuvable en édition originale. Malgré les jugements sévères sur ce travail, il méritait d'être connu pour les quelques renseignements qu'il contenait sur l'histoire de la ville.

Aristide Albert, un Briançonnais amoureux de sa ville, soucieux de faire connaître le passé de la ville, entreprit de republier cet ouvrage, accompagné de notes. Aristide Albert, avocat, n'était pas à proprement parler un érudit, mais il a beaucoup œuvré pour faire connaître son pays natal, en publiant de nombreuses plaquettes et ouvrages, dont une Biographie-Bibliographie du Briançonnais, source irremplaçable sur les l'histoire des hommes qui ont illustré la vie briançonnaise.

 Aristide Albert (Briançon 21/12/1821 - Grenoble 5/9/1903)
Pour voir une notice : cliquez-ici.

Cette réédition du texte d'Antoine Froment a paru en 1868, sortie des presses d'Allier à Grenoble. Travail soigné, irremplaçable pour pouvoir accéder au texte d'Antoine Froment, il a été complété de notes, au ton parfois personnel (Aristide Albert ne résiste jamais à agrémenté son propos de souvenirs personnels, ce que Joseph Roman appelle des "cancans"). Comme souvent pour ce type d'ouvrage, il a été tiré à petit nombre : 200 exemplaires, dont 30 sur Hollande.


Pour plus d'informations, je vous renvoie à la page que je lui consacre : cliquez-ici. Il reproduit la page de titre de l'édition originale :


 J'ai la chance de posséder l'exemplaire personnel de Joseph Roman, un érudit des Hautes-Alpes à l’œuvre abondante.

 (Gap 13/11/1840 - Picomtal (Les Crots - Hautes-Alpes) 8/6/1924)
 Pour voir une notice : cliquez-ici.

Malgré ses qualités comme érudit (même s'il faut parfois prendre ses informations avec précaution), il était doté d'un fort mauvais caractère, qui l'a conduit à se chamailler (le mot est même un peu faible) avec tous ceux qui se piquaient d'érudition sur le même territoire que lui : les Hautes-Alpes. Aristide Albert n'a évidemment pas fait exception. Pour preuve, il a apporté un commentaire sur cette publication et le travail d'Aristide Albert. Je vois laisse découvrir le jugement pour le moins peu amène qu'il porte sur tout cela :

«  L'ouvrage de Froment est de médiocre importance; avec un petit nombre de curieux renseignements (très petit nombre) sur les vieux usages du Briançonnais, il a amalgamé un tas d'inepties, de contes et le résultat insipide d'une érudition indigeste. Cependant,  comme l'ouvrage est fort rare et qu'on aurait pu y joindre des notes intéressantes, on a bien fait de le réimprimer, mais il aurait fallu le réimprimer proprement, c'est à dire avec un certain nombre de notes courtes, claires et intéressantes. Or nul n'était moins propre que M. Albert à faire ce travail, car il demande de l'érudition et de l'instruction; l'éditeur ne possédait ni l'une ni l'autre. Ses notes ne sont que des cancans encore plus absurdes que ceux de Froment; il nous raconte des histoires qui lui sont arrivées sans se donner la peine d'éclaircir les brouillards de son auteur. A la p. 262 par exemple on lit une inscription mystérieuse que Froment considère comme un des signes qui ont précédé l'embrasement de sa patrie; Albert la laisse sans commentaire. Ce n'est qu'une citation des saintes écritures, voici le texte complet : Anima [...] erunt ? Il en est ainsi pour toutes les inscriptions, pour toutes les citations de Froment. La préface ne vaut pas mieux que les notes, c'est le néant.  JR »

Cette note était à usage privé et ce n'est que le hasard des choses qui fait qu'aujourd'hui je la rends publique. Joseph Roman s'est montré tout de même plus mesuré dans la notice nécrologique qu'il consacre à Aristide Albert, même si le reproche de fond reste le même : "Si on pouvait considérer cela comme un travers, on lui reprocherait d'avoir trop aimé le Briançonnais ; il poussait cette idolâtrie exclusive au point de ne pas admettre qu'on discutât la valeur des écrivains originaires de cette contrée, pas même celle de Barthélémy Chaix et d'Antoine Froment. Presque toutes les publications de M, Albert sont relatives au Briançonnais. [...] Son seul travail de longue haleine est la réimpression des Essais d'Antoine Froment, ouvrage aussi rare que burlesque (Grenoble, Allier, 1868 in-8° XV et 349 pages). Malheureusement cette édition aurait eu besoin de notes et de commentaires qui ne s'y trouvent point."

Reconnaissons un mérite à Joseph Roman. Il faisait relier ses ouvrages avec soin et les ornait de son bel ex-libris :


Vacances dauphinoises et alpines

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Après la pause estivale, il est temps de reprendre les bonnes habitudes blogueuses. L'été, qui a évidemment inclus un séjour dans les Alpes, s'est avéré riche en rencontres, trouvailles, découvertes, etc.

Pour commencer par la bibliophilie, une belle trouvaille chez un bouquiniste à Gap. Un exemplaire de la première histoire imprimée de la ville de Gap, par Théodore Gautier : Précis de l'histoire de la ville de Gap, Gap, 1844.Ce livre est déjà peu courant, mais cet exemplaire à 3 intéressantes caractéristiques :
- un exemplaire sur grand papier (un vélin fort) à grandes marges, non rogné.
- une reliure romantique d'époque. On pourrait certes se montrer plus exigeant sur la qualité de la reliure, mais pour ce type d'ouvrage, à diffusion très locale, la qualité de cette reliure me semble être le maximum que l'on puisse espérer trouver.
- une provenance intéressante. Il provient de la bibliothèque du commandant Vivien (1777-1850), un soldat de l'Empire dont les mémoires ont été publiées en 1907 par Emmanuel Martin : Souvenirs de ma vie militaire, 1792-1822. Originaire d'Orléans, sa présence à Gap en ce milieu du XIXe siècle s'explique par son mariage avec une jeune gapençaise. Il était aussi le propre beau-frère par les femmes de Théodore Gautier, l'auteur de l'ouvrage. Hasard ou pas, le manuscrit de ses souvenirs a été récemment vendu chez Christie's : cliquez-ici.



Démonstration par l'image de la différence entre deux exemplaires du même ouvrage : un sur grand papier à grandes marges et l'autre sur papier ordinaire et rogné.



Pour rester dans les livres anciens, une plaquette sur un fait très locale de l'histoire des Hautes-Alpes : La station préhistorique de Panacelle et les peuples anciens du bassin de Guillestre, par l'abbé Paul Guillaume, 1877.
Elle m'a séduite par sa double provenance : Félix Perrin, puis Henri Ferrand. Un achat qui confine au fétichisme, d'autant plus que j'avais déjà un exemplaire relié de cet ouvrage.

A propos de Félix Perrin et Henri Ferrand, et sans transition, je me suis offert une petite virée au cimetière Saint-Roch, le cimetière historique de Grenoble, autrement dit le Père Lachaise de Grenoble. Sous un soleil de plomb, dans un cimetière aux allures un peu abandonnées, j'ai presque eu l'impression de me promener au sein de la société grenobloise du XIXe siècle. Pour donner quelques noms glanés au fil de ma promenade :

L'alpiniste, libraire et bibliophile dauphinois, Félix Perrin (1853-1927)


Le pionnier des Alpes dauphinoises, grand chantre devant l'éternel des beautés de nos montagnes, Henri Ferrand (1853-1926).


Le prince des Bibliophiles dauphinois, Eugène Chaper (1827-1890)



L'inoubliable (sic) romancière et nouvelliste Louise Drevet (1835-1898) et son mari Xavier Drevet, fondateur du Dauphiné :


L'artiste Victor Cassien (1808-1893) :


Les ancêtres d'un célèbre bibliophile dauphinois blogeur :


Après ces épisodes historiques, une rapide revue des publications récentes que j'ai acquises lors des mes virées (moins funèbres) dans les librairies et lors de mon passage au salon du live de Montagne de Passy :

Une très intéressante étude historique sur les équipements touristiques du Lautaret par le directeur du Jardin Alpin du Lautaret, Serge Aubert : 150 ans de tourisme au col du Lautaret. dans la collection des Cahiers illustrés du Lautaret, 2013 – n° 4.



Etude très documentée et bien illustrée, par une personnalité sympathique que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans son "fief" (le Jardin Alpin du Lautraret, bien sûr !).

Deux très beaux ouvrages de photographies sur les fermes du Val d'Arly (je sais, c'est la Savoie, et non le Dauphiné, mais j'ai aimé ces deux ouvrages d'un ami) :


L'ouvrage précédent, paru en 2000 :

Pour en savoir plus : cliquez-ici.

Une magistrale étude sur la Mer de Glace, qui me semble indispensable pour tous ceux qui s'intéressent aux glaciers et à leurs évolutions récentes, appliquées au plus célèbre d'entre eux : Mer de Glace, Art & Sciences.
 
Pour en savoir plus : cliquez-ici.

Pour revenir à des ouvrages moins récents :
 
Un exemplaire de l'annuaire du club alpin allemand et autrichien de 1903, avec un article bien illustré sur le massif des Ecrins (en allemand !).




Un ouvrage dont j'ai découvert très récemment l'existence : Cloud-Lands of France, par Amy Oakley, paru à New-York en 1927. Derrière ce titre, se cache la description d'un voyage touristique de Nice à Genève par les Alpes. Mais l'intérêt principal de l'ouvrage réside dans les gravures de Thornton Oakley, dans le style très daté de ces années-là. Pour ceux qui ne le sauraient pas, je garde un faible pour ce style graphique. Au passage, il est intéressant de noter que c'est par le plus grand des hasards que j'ai découvert l'existence de cet ouvrage sur e-bay. Visiblement, les amateurs français sont souvent peu ouverts à tous les ouvrages parus sur nos régions dans les différents pays du monde. Et pourtant, on y trouve des beaux livres, voire, pour l'histoire de l'exploration du massif des Ecrins, des sources indispensables. Français, encore un effort si vous voulez être internationaux, pour paraphraser un célèbre fou littéraire.

Avec la jaquette (détail important, pour les ouvrages anglo-saxons !) :


puis sans la jaquette :


Un exemple d'illustration :


Pour finir, une fois n'est pas coutume, une bande dessinée. Vient de paraître chez Glénat : Les Amants de l'Oisans. Gaspard de la Meije et les sources de l'alpinisme, sur un texte de Nelly Moriquand et des dessins de Fabien Lacaf. L'histoire, assez romanesque, se situe au moment de la conquête de la Meije en août 1877. Un puriste un peu taquin pourrait s'amuser à relever quelques inexactitudes (la route de la Bérarde en 1877 !), voire quelques approximations hasardeuses (les intérieurs des maison montagnardes trop beaux pour être vrais, le ski sur les pentes de la Meije par Henry Duhamel !), mais le graphisme est superbe, ce qui en fait un bel album.




Etienne Janus Girard : un peintre savoyard à Naples

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Ce dont je vais vous parler n'est pas un livre. Cela n'a pas non plus de rapport avec le Dauphiné. C'est pourtant une trouvaille récente que je suis heureux d'avoir ajoutée à ma collection. Il s'agit d'un tableau que je vous laisse découvrir :


Il est signé et daté en bas à gauche : "Jean Grossgasteiger/1861" (pour en savoir plus sur ce peintre, voir en fin de message).

Comme on peut le voir, il représente un tombeau avec, en arrière plan, un paysage méditerranéen que l'on identifie immédiatement comme la baie de Naples, avec le le Vésuve fumant légèrement au dernier plan.  En s'approchant, on voit que ce mausolée porte une longue inscription :


On peut la déchiffrer avec un peu de patience (et une bonne vue !) :

A la mémoire chérie
de Etienne Janus Girard
Négociant Paysagiste Amateur
Né à St-Alban (Savoie) le XXVIII Décembre MDCCCXX
Décédé à Naples le IV Septembre MDCCCXLIX
La prédilection pour le genre d'art qu'il cultiva
lui mérita de bonne heure
plusieurs mentions honorables.
Fils tendre, frère affectueux,
tu vivras sans cesse dans le cœur de tes parents
et le bonheur que tu goûtes en l'autre vie
peut seul adoucir
l'amertume de leurs regrets.
Priez pour lui

Comme on le voit, le peintre a représenté le tombeau d'un de ses confrères. Mais qui est donc cet Etienne Janus Girard ?

Son acte de baptême dans les registres de Saint-Alban-Leysse, en Savoie, nous apprend qu'il est le fils de Joseph Girard et de Jacqueline Rosset :


Son acte de décès passé le 4 septembre 1849 dans le quartier (Circondario) San Fernando nous apprend qu'il est mort célibataire le 3 septembre 1849 (et non le 4 comme l'annonce la tombe) à l'âge de 28 ans. Il est appelé Stefano Girard, son prénom ayant été italianisé. Il est alors cartaio, comme son père, dont le prénom a été lui aussi italianisé en Guiseppe. Il vit avec ses parents au 185 de la Via Toledo, la grande artère commerçante de Naples.


En réalité, avant même d'avoir acheté ce tableau, j'en savais plus sur cette famille et la raison de sa présence à Naples en ce milieu du XIXe
siècle.

Au mois d'août 1821, le pharmacien grenoblois Etienne Breton dépose avec ses fils une demande pour la construction d'une papeterie au Pont-de-Claix, un hameau proche de Grenoble, célèbre pour son pont en une seule arche au-dessus du Drac. Pour constituer son personnel, il fit visiblement appel à des ouvriers ayant déjà des compétences dans le métier. Justement, à Saint-Alban-Leysse, en Savoie, près de Chambéry,  se trouve une papeterie fondée par la famille Aussedat, provenant d'Annonay. On peut imaginer que c'est à ce titre là que Joseph Girard, né à Saint-Alban en 1791, et sa femme Jacqueline Rosset, née au Bourget-du-Lac, sont venus habiter le Pont-de-Claix, où on les retrouve dès 1825. Joseph Girard est alors qualifié de papetier, résidant près le Pont-de-Claix à la papeterie de Mr Breton, né Saint-Alban (Savoie). Leurs deux premiers enfants, dont Etienne qui nous intéresse ici, sont nés à Saint-Alban. Ensuite, l'ouvrier papetier semble avoir bien évolué. Vers 1830, sans que l'on connaisse la date précise, il s'installe à Naples, on on le trouve qualifié de "negoziante di carta", de "fabricante di carta" ou "cartaio", tous termes que l'on peut résumer sous le titre de "papetier" (Carta est un faux ami en italien; cela signifie papier). Il assurait probablement la distribution des productions de la papeterie du Pont-de-Claix dont on sait qu'en 1838, elle vend 38 % de sa production dans la péninsule.



Dans cet Album scientifico-artistico-letterario. Napoli e sue provincie, publié en 1845 par Borel et Bompard (deux libraires briançonnais installés à Naples !), dans la rubrique : Librai, Ligatori e Negozianti di Carta ed Oggetti da Scrittoio, il est mentionné :

Le "G" pour Guiseppe, soit Joseph en italien.

Joseph Girard et Jacqueline Rosset se sont installés avec leur 3 enfants. Ils auront deux autres enfants, nés à Naples en 1834 et 1836. C'est comme cela que l'enfant Etienne, de Saint-Alban, s'est retrouvé à Naples où il a pu donner libre cours à sa passion pour la peinture dans une ville propice à cela. Cependant, la peinture n'occupera pas toute sa vie, car il contribue aussi, avec son père et ses frères, au négoce de papier qui est en train de faire la fortune de la famille, d'où son qualificatif de "Négociant" sur son tombeau et de "Cartaio" (papetier) dans son acte de décès. C'est peut-être l'origine du prénom supplémentaire "Janus", choisi pour illustrer les deux faces de sa personnalité : négociant et peintre. Il l'a peut-être utilisé comme nom d'artiste.

La présence de la famille est attestée à Naples jusqu'au milieu des années 1850. Ils reviendront s'installer au Pont-de-Claix où il feront construire une belle maison bourgeoise à l'entrée de la ville, au bout du cours Saint-André, en venant de Grenoble.

Une dernière remarque. Même si les liens entre cette famille et la papeterie de Pont-de-Claix expliquent en partie leur présence à Naples et leur activité de papetier, je m'interroge sur le choix de cette destination. N'y avait-il pas déjà un représentant de la famille dans cette ville ? En effet, lors de mes recherches sur Guisepppe Girard, j'ai trouvé une autre personne portant ce nom et ce prénom, d'origine française et installé au début du XIXe siècle aussi via Toledo où il exerçait la profession d'éditeur de musique (il a publié les œuvres de Rossini, Donizetti, etc.) S'agissait-il d'un oncle de notre Joseph Girard, ce qui expliquerait ce regroupement familial. L'enquête continue !

Pour revenir au peintre Etienne Janus Girard, il faut constater que, malheureusement, il ne semble pas avoir signé ses œuvres. J'ai la chance de posséder un de ses tableaux, que m'avait donné une de mes cousines :


Comme on le voit, il est de bonne facture. Je sais qu'il en existe, dispersés dans la famille, ainsi que d'autres que les partages et ventes ont fait disparaître, si l'on peut dire, puisqu'il est désormais impossible de les identifier, à cause de leur anonymat.

Le tombeau d'Etienne Janus Girard existe toujours au cimetière de Poggioreale à Naples. Il a été répertorié dans un inventaire du patrimoine. A ce titre, il a fait l'objet d'une notice (cliquez-ici), illustrée d'une photographie qui met malheureusement mal en valeur le monument :


Comme pour répondre à ce tombeau, tout le reste de la famille Girard, c'est à dire ses parents, ses frères et une partie de ses neveux, jusqu'à nos jours, est enterrée au cimetière Saint-Roch à Grenoble. Hasard ou prémonition, j'ai photographié ce tombeau monumental cet été :


En définitive, pourquoi je m'intéresse tant à ce peintre ? Tout simplement, c'est un de mes lointains oncles. Son frère aîné, Antoine Girard (Saint-Alban-Leysse 9 septembre 1818 -  Pont-de-Claix 21 septembre 1896) est l'arrière-grand-père de mon arrière-grand-mère.


Jean Grossgasteiger

Jean Grossgasteiger est un peintre autrichien, né dans le Tirol en 1820, actif à Naples au milieu du XIXe siècle. On le trouve ensuite à Madrid (1862). Sur Internet, on trouve quelques informations, ainsi que quelques œuvres, comme ces deux tableaux dont le style est proche du nôtre.

Napoli, Capo Posillipo con Ischia sullo sfondo
signé et daté en bas à droite : "Jean Grossgasteiger/1857"


Napoli dalla collina di Posillipo
signé et daté en bas à gauche : "Jean Grossgasteiger./1857"

Dans le même ouvrage dont nous parlions plus haut, il existait à Naples en 1845 un horloger du même nom :
"Grossgasteiger Nicola orologiaio al vico Birri a Toledo numero 2"
Est-ce que, comme Etienne Girard, Jean Grossgasteiger était arrivé à Naples en suivant ses parents ? Il aurait ainsi un destin semblable à celui d'Etiene Girard dont il était le strict contemporain.Peut-être étaient-ils amis et ce tableau était un hommage à un ami trop tôt disparu ?

L'Alpine Journal : quelques textes fondateurs sur les Alpes Dauphinoises.

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Comme je l'évoquais dans un message récent, ceux qui s'intéressent à l'histoire de la découverte et de l'exploration des Alpes dauphinoises et plus particulièrement du Massif des Ecrins ne peuvent pas faire l'impasse sur ces publications anglaises qui contiennent quelques uns des texte fondateurs pour la connaissance du massif. J'ai déjà parlé des ouvrages de Forbes (Norways and its glaciers), du Rev. T. G. Bonney (Outline Sketches in The High Alps of Dauphiné). J'ai présenté il y a quelques années un recueil d'articles de l'Alpine Club, Peaks, Passes and Glaciers. Second Serie, publié en 1862 qui contenait déjà quelques articles intéressant sur les Alpes dauphinoises. A partir de 1863, l'Alpine Club abandonna le principe des recueils et fit paraître une revue trimestrielle, l'Alpine Journal, ensuite regroupée en volumes annuels. Ce sont les 28 premiers numéros, formant 4 volumes, qui viennent de rejoindre ma bibliothèque. Ces 4 volumes couvrent 7 années, de mars 1863 à février 1870.


Ils sont dans la reliure de l'éditeur, une percaline brique avec un des volumes illustré d'un motif doré sur le plat.




Ils contiennent quelques articles fondamentaux sur les Alpes dauphinoises, d'une valeur scientifique supérieure à ceux parus précédemment.  En préambule, signalons que la préface du premier volume (Introductory Address) qui présente l'esprit et les objectifs de cette nouvelle revue, cite nommément le Dauphiné, parmi les régions des Alpes qui restent à découvrir : "The number of persons who know the mere name of the highest mountain in the great Dauphine group may be reckoned by tens". C'est un des but de la revue de contribuer à une meilleure connaissance des montagnes partout dans le monde.

Ce sont 3  Anglais, F. F. Tuckett, le Rev. T. G. Bonney et W. Mathews qui mirent à profit les étés 1862 et 1863 pour procéder à une exploration systématique du massif. Ces récits, complétés de nombreux tableaux de mesures, sont ensuite publiés dans l'Alpine Journal :
- Explorations in the Alps of Dauphiné, during the month of July, 1862. Read at the meeting of Alpine Club, June 9th, 1863, F. F. Tuckett, F.R.G.S. 
- The Grandes Rousses of Dauphiné, Wm. Mathews, Jun., M.A.
- The range of the Meije, Dauphiné, Rev. T. G. Bonney, M.A., F.G.S.

Le premier article est illustré de schémas novateurs dans leur esprit, en introduisant une manière détaillée et précise de représenter les montagnes, loin des styles plus artistiques et travaillées de leurs prédécesseurs :

The Ailefroide, Écrins, and Pelvoux, from above Guillestre

The Col and Pointe des Écrins seen frome the slopes N.W. of Les Étages

The Pointe des Ecrins col and névé of Glacier Blanc, from Col du Glacier Blanc

Chacun à leur manière, ces schémas sont les premières représentations fidèles et précises des sommets du massif. Le premier complète la vue plus restreinte du Pelvoux que  Whymper  a donné dans Peaks, Passes en Glaciers, Second Serie. Les deux autres sont les premières représentations de la Barre des Ecrins (face ouest, depuis les Etages, et face Nord avec le Glacier Blanc) avec la topographie associée.

Pour me faire comprendre, on peut comparer le 2e schéma avec la même représentation des Ecrins paru dans Peaks, Passes and Glaciers. Second Serie.


Le 2e volume  contient aussi le récit de la première ascension de la Barre des Ecrins, le 25 juin 1864, par Edward Whymper, A. W Moore, Horace Walker et les guides Michel Croz et Christian Almer. Il est illustré d'une très belle représentation des Ecrins, depuis le col du Galibier, d'après un dessin de Whymper. C'est la première représentation connue des Ecrins.


Pour finir, il y a un article savoureux de A. W. Moore sur les premières expéditions hivernales dans les Alpes, la première, en Suisse, durant l'hiver 1866 et la seconde, durant l'hiver 1867, en Dauphiné : On some winter expeditions in the Alps, Read before the Alpine Club, on June 8, 1869. Ce petit texte, rapportant une anecdote en 1867, montre comment l'image de la montagne en hiver s'est radicalement inversée en 150 ans.
Crossing, that afternoon, the little Col de Valloire, I slept in a very primitive inn in the village of the same name. On the top of the col I met a ' Commis-Voyageur' on his way back to St. Michel, who, naturally surprised at meeting a stranger in such a place at such a season, enquired for what purpose I was travelling; on my responding 'pour plaisir,' he threw up his hands, and, with a glance round at the dreary, snow-covered landscape and the gathering clouds, exclaimed in a tone suggestive of his own intense antipathy to his surroundings, 'que diable de plaisir !' and then fled down to St. Michel and civilisation, as though he had been escaping from a dangerous lunatic.

Pour en savoir plus, voir la page que je leur consacre sur mon site : Alpine Journal, vol. I-IV (1863-1870).

En guise de supplément, pour ceux qui sont friands de curiosités géographico-administratives, j'ai découvert une curiosité à l'occasion de l'acquisition de ces livres. Je les ai achetés à un libraire à Vancouver au Canada et ils ont été expédiés depuis les Etats-Unis. En réalité, les frontières tirées au cordeau ont fait que qu'un petit bout du territoire de Vancouver se trouve aux Etats-Unis. C'est Point Roberts (le A de la photo ci-dessous).


J'ai appris que l'on appelle cela une exclave : un morceau de terre sous souveraineté d'un pays du territoire principal duquel il est séparé par un ou plusieurs pays ou mers.

Martino Baretti : Otto giorni nel Delfinato, 1873

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Poursuivant l’enrichissement de ma bibliothèque avec tout ce qui a pu paraître à l’étranger sur les Alpes dauphinoises, j’ai déniché récemment une plaquette rarissime chez un libraire turinois. J’aurais l’occasion à la fin de ce message de raconter comment je suis arrivé jusqu’à elle.


Rappelons quelques faits pour comprendre tout l’intérêt de ce texte. Jusqu’au début des années 1860, le massif des Ecrins (appelé parfois massif de l’Oisans) était en grande partie inconnu. La seule carte valable était celle de Bourcet, parue en 1758. Aucun des sommets majeurs du massif n’avait été gravi (sauf le Pelvoux, mais personne ne le savait). Pis que cela, le point culminant du massif n’était pas clairement identifié. La carte d’Etat-Major de la région n’avait pas encore été publiée (elle le sera en 1866). On le voit, il y a 150 ans, certaines régions lointaines du monde étaient mieux connues que nos propres montagnes françaises.


Malheureusement pour notre chauvinisme, ce sont d’abord les Anglais qui ont exploré et décrit le massif. Je rappelle juste les noms de Whymper, Tuckett, T. G. Bonney, Mathews, Coolidge, etc. L’existence du premier Club Alpin, fondé en Angleterre en 1857, a été un puissant facteur d’émulation et une tribune indispensable pour partager les découvertes. C’est ce que l’on a vu dans la série des Peaks, Passes and Glaciers ou dans les premiers volumes de l'Alpine journal, qui ont fait l’objet du message précédent. 

Comme certains des explorateurs anglais, c’est mû par une curiosité scientifique que Martino Barettti (1841-1905), géologue italien, explora le massif des Ecrins en août 1872. Parti de Bardonnèche en Italie, il rejoignit Ailefroide, explora plus particulièrement le secteur du Pelvoux et des Ecrins. Comme les Anglais, il pouvait profiter de la tribune que lui offrait le Club Alpin Italien, tout récemment créé, qui, à l’instar de son aîné, publiait un Bollettino. C’est dans celui de l’année 1872-1873 qui M. Baretti fit paraître le récit de son voyage. Il en a ensuite été fait un tiré à part de 72 pp., paru en 1873 : 
Otto giorni nel Delfinato,Torino, G. Candeletti, successore G. Cassone e Comp., Tipografo-Editore, 1873, in-8° , 72 pp., 4 planches en chromolithographies in fine hors texte dont 3 dépliantes.


Pour ce que j’ai compris du texte (ma lecture de l’italien reste approximative), il n’y a pas d’apport majeur. Il fait d’ailleurs souvent référence à T. G. Bonney, qui, avec Tuckett, sont ceux qui ont le mieux éclairci la structure interne du massif. Ce qui fait la valeur de cet ouvrage sont les 4 magnifiques planches chromolithographiques qui illustrent l’ouvrage. Elles méritent chacune d’être détaillées.

La première (numérotée VII, pour tromper le bibliophile anxieux d’acheter un ouvrage complet de ses planches), est une carte sommaire du massif, mais dont toute la valeur est dans son aspect esthétique. Certes, elle n’apporte pas d’éléments nouveaux par rapport à la carte de T G. Bonney et à la carte d’Etat-Major, mais, pour la première fois, on tente de donner une représentation plus esthétique du massif.


La deuxième est une vue du Pelvoux depuis le refuge Tuckett. Cette vue, une des plus classiques du massif, avait déjà été donnée par Bonney. Historiquement, c’est la deuxième qui a paru (je ne pense pas me tromper, mais je suis disposé à être contredit). 


A titre de comparaison, je donne l'autre vue qui l'a précédée.


Troisième planche, un panorama du massif depuis le sud-est et deux des faces des Ecrins, la face nord depuis le col du Glacier Blanc et la face sud-uuest, depuis la glacier de la Pilatte.


Enfin, la quatrième et dernière est un magnifique panorama en couleurs de l’ensemble du massif, sur une grande planche dépliante de plus de 60 cm de long. Cette planche est intéressante à plusieurs titres. C’est d’abord le premier grand panorama du massif, ensuite, c’est le premier panorama en couleurs, enfin, je le trouve beau… 



Et maintenant, me direz-vous, où étaient les Français ? Il faut reconnaître qu’ils sont arrivés un peu plus tardivement. Certes, ils étaient déjà présents, explorant le massif, mais ils ne disposaient d’aucune revue ou journal leur permettant de publier leurs observations. Au niveau national, il a fallu attendre la création du Club Alpin Français, en 1874, et la parution du premier annuaire en 1875 pour que l'on puisse enfin lire les textes des Paul Guillemin, Henri Ferrand, Henry Duhamel, etc. Au niveau local, c'est la création de la Société des Touristes du Dauphiné qui a accompagné cette « prise en mains » du massif des Ecrins par les Français.


Pour revenir à l’introduction du message, je voudrais dire en 2 mots comment j’ai découvert cet ouvrage. Auparavant, il faut dire que je ne l'ai jamais vu en 15 ans de chine bibliophilique et surtout que je n'en avais jamais entendu parler dans aucune des bibliographies ni aucun des ouvrages sur les Alpes ou le massif des Ecrins. Au passage, j’espère que je ferais découvrir un livre, indispensable, me semble-t-il, aux quelques amateurs de nos montagnes du Dauphiné.

Pour revenir à ma quête du Graal, je disais que je ne l'avais vu dans aucune bibliographique. C’est vrai sauf… dans un ouvrage de Paul Guillemin, auteur dont on ne dira jamais assez ce qu’il nous apporte encore pour l’histoire des Alpes dauphinoises.


J’avais noté cette référence dans ma bibliographie, mais je n’y avais pas plus porté attention. Il y a tellement de plaquettes… Cependant, profitant d’un passage à Grenoble, j’ai consulté l’ouvrage dans le Fonds Dauphinois de la Bibliothèque Municipale de Grenoble et, là, je suis tombé en arrêt devant ce livre. Il me le fallait ! Ensuite, plus classiquement j’ai lancé une recherche sur internet, ce qui m’a conduit jusqu’à ce libraire italien. Après avoir acquitté un prix italien (si l'Italie est le pays d’une certaine légèreté, ce n'est clairement pas le cas pour le prix des livres anciens…), il est venu rejoindre ma bibliothèque. Après l’avoir ausculté, détaillé, photographié, décrit, je partage avec vous ma découverte.



Un livre à paraître sur les cartes du Dauphiné

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J'ai le plaisir de vous présenter un livre en souscription, que je vous laisse découvrir :





Ce beau livre prometteur, tant par la qualité du texte et des recherches, que par la variété et la rareté des illustrations, devrait vite devenir la référence sur la cartographie du Dauphiné. Il fait suite à un précédent livre de Jacques Mille : Hautes-Alpes. Cartes géographiques anciennes (XVe - mi XIXe siècle), uniquement consacré aux cartes des Hautes-Alpes, qui, lui aussi, est devenu une référence sur le département.



Vous pouvez télécharger un bulletin de souscription : cliquez-ici.

De l'intérêt des thèses pour l'histoire régionale.

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On oublie trop souvent qu'à côté des ouvrages "régulièrement" publiés, il existe toute une production imprimée qui est une source indispensable pour connaître nos régions. Aujourd'hui, je veux parler des thèses. Non pas celles, bien connues, produites par les universitaires du XXe siècle (je pense par exemple à la thèse d'André Allix sur l'Oisans : cliquez-ici), mais je souhaite parler de ces "petites" thèses parues tout au long du XIXe siècle, souvent des thèses modestes par la taille et l'ambition. C'est, par exemple, une thèse de Jacques Léon : Contribution à l'étude du goitre dans les Hautes-Alpes, thèse présentée à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Lyon en 1894, qui étudie particulièrement les causes et les mesures prophylactiques du goître.

Celle dont je veux parler aujourd'hui est un court opuscule de 32 pages : Essai sur la Topographie physique et médicale de Briançon, par Antoine Reynaud, un chirurgien militaire de l'Isère qui a présenté cette thèse devant la faculté de médecine de Montpellier pour obtenir le grade de docteur en 1819 (pour plus de détails, cliquez-ici). Remarquons au passage qu'en ces temps-là, l'exigence sur les thèses, tant sur la forme que sur le contenu, était très en-deçà de notre époque, voire même de la fin du même siècle.


Ce qui fait l'intérêt de ce texte, c'est qu'il s'agit de la première topographie médicale du Briançonnais, autrement dit de la première étude sur la situation sanitaire et médicale de cette région. 

Ce texte, par sa nature même, a sûrement été tiré à un très petit nombre d'exemplaires, à destination essentiellement du jury et de quelques personnes. Cela explique aussi que cet ouvrage soit inconnu de toutes les bibliographies briançonnaises ou dauphinoises.

L'intérêt de ce texte réside surtout dans le regard que porte une personne étrangère au pays sur les conditions de vie, les mœurs et coutumes et, partant de là, sur la condition sanitaire des habitants. On y retrouve quelque images fortes qui seront répétées tout au long du siècle : l'isolement, la neige pendant presque 9 mois de l'année, les forts écarts de températures même en été, le confinement des paysans dans les étables avec le bétail pendant l'hiver, le goître endémique, etc. A lire ce texte, comme d'autres plus tard, on s'étonne qu'une population ait pu survivre dans cette région dans de telles conditions.

Cette topographie est la première qui a été publiée sous une forme séparée. Auparavant, comme l'indique lui-même A. Reynaud dans sont Avant Propos, avait paru un Mémoire topographique et médical de la ville de Briançon, par M. Bouillard, chirurgien-major de l'hôpital militaire de cette ville, dans le Journal de médecine militaire, 1788, mémoire qu'il juge trop avantageux. Autrement dit, il ne lui trouve pas ce côté misérabiliste, qui forme le fond de sa propre analyse.

En 1816, le sous-préfet Chaix a fait paraître une Topographie, histoire naturelle, civile et militaire, économie politique et statistique de la sous-préfecture de Briançon pour servir de canevas aux topographies administratives, Paris, P. N. Rougeron, 1816, in-8°, 92 pp. Elle n'était pas spécifiquement consacrée à l'aspect médical de la description de la région.

La série complète des Annuaires des Hautes-Alpes sous l'Empire

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La patience et la persévérance sont les vertus indispensables des collectionneurs. Après de nombreuses années de recherches et de chine, je viens de compléter la série des 5 annuaires des Hautes-Alpes parus sous l'Empire.

Pour dire  la rareté de cette série, il suffit de signaler que seule la Bibliothèque Nationale possède la série complète. Le Fonds Dauphinois de la Bibliothèque Municipale de Grenoble, pourtant si riche et si complète, ne contient que 3 des 5 ouvrages.


Ces 5 annuaires sont parus en l'an XII (1803-1804), l'an XIII (1804-1805), 1806, 1807 et 1808, à l'instigation du préfet Ladoucette. Arrivé dans les Hautes-Alpes en 1802, ce jeune - il n'avait que 39 ans - et dynamique préfet voulut concourir à une meilleure connaissance du département. Cela prit d'abord la forme d'un annuaire qui combine les renseignements administratifs, nécessaires pour consolider la connaissance des nouvelles institutions, et les renseignements "statistiques", pour reprendre le terme de l'époque. Tous les aspects du département sont abordés : topographie, villes, bourgs, histoire naturelle, population, administration, agriculture, industrie, instruction publique, beaux-arts, etc. Seule l'histoire du département ne fait l'objet d'aucun développement, ce qui est peut-être une forme de prudence en ce début de règne de Napoléon.

A travers ces 5 annuaires, c'est ainsi que s'esquisse une Statistique du département des Hautes-Alpes, comme de nombreux autres départements français de l'époque. Ladoucette puisera largement dans cette matière pour publier en 1820 son Histoire, antiquités, usages, dialectes des Hautes-Alpes, précédés d'un essai sur la topographie de ce département, et suivis d'une notice sur M. Villars.

Pour finir ce court message, une vue des 5 pages de titre :







Une description précise et complète se trouve sur le site : cliquez-ici.

Annuaires des Hautes-Alpes, la suite.

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Quoi de mieux, pour commencer l'année, que de parler de ces annuaires et almanachs qui paraissaient au début de l'année, à l'usage des habitants du pays.

Dans le message précédent, je vous parlez des 5 annuaires des Hautes-Alpes, parus sous l'Empire. J'ai complété mes descriptions avec ceux qui ont paru épisodiquement au cours du XIXe siècle, soit à l'initiative isolée d'un imprimeur, soit sous l'impulsion de l'administration préfectorale, comme en 1869. Ma "brochette" d'annuaires s'est ainsi enrichie avec ceux de 1822, 1835, 1844, 1852, 1853 et 1869. Seul l'annuaire de 1859 me manque pour avoir la série complète.


Si j'ai fait cela, c'est aussi que ceux de 1844 et 1852 sont venus récemment rejoindre ma collection, dans une jolie reliure uniforme. C'est d'autant plus notable qu'en général, ces ouvrages ses trouvent brochés et, par leur nature même, ont souvent été manipulés. Autrement dit, il est difficile de les trouver dans une belle condition.




J'ai créé une page thématique dans laquelle je tente de référencer tous les annuaires et almanachs parus depuis la Révolution jusqu'au XIXe siècle : cliquez-ici.

Pour terminer, une petite  anecdote bibliophilique/ bibliographique sur l'annuaire de 1852. En le regardant attentivement, je me suis aperçu qu'il manquait 4 pages. Comme chacun sait, pour qui aime les livres anciens, c'est presque une hérésie de posséder un ouvrage dont il manque des pages. Mais, poursuivant mes observations, je me suis aperçu que les pages suivants avaient une numérotation qui se répétait.Il y avait 2 pages 18 en regard, 2 pages 19, etc. Curieux ! Un observation plus attentive et une comparaison avec la table des matières m'ont permis d'arriver à la conclusion que ces 4 pages avaient été volontairement retirées et remplacées par 8 pages nouvellement imprimées. Pour ne pas rompre la continuité de pagination, l'astuce de l'imprimeur a consisté à donner deux fois le même numéro aux pages supplémentaires.

Pourquoi cette opération. Il suffit de lire le début des nouvelles pages pour comprendre. En effet, en décembre 1851, l'annuaire était déjà imprimé lorsque Louis-Napoléon Bonaparte fit son coup d'état, le 2 décembre, ratifié par un plébiscite le 20 décembre. Pour prendre en compte cet événement politique, il était nécessaire, en toute hâte, de changer les pages déjà imprimées et surtout d'ajouter des pages sur les nouvelles institutions.

Après ces considérations savantes, je profite de ce premier message de l'année pour vous envoyer mes meilleurs vœux pour l'année 2014. Pour ceux qui aiment les livres, que ce soit une année supplémentaire de découvertes et d'enrichissements, pour pour ceux qui aiment la montagne et les Alpes, que ce soit une année supplémentaire à goûter les joies de ce monde aux richesses infinies, pour tous ceux qui ont une passion, que ce soit encore une année pour l'approfondir.

Lorsqu'un fou littéraire s'intéresse aux Hautes-Alpes... et autres fous littéraires.

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En 1844, paraît Idiomologie des animaux, ou Recherches historiques, anatomiques, physiologiques, philologiques, et glossologiques sur le langage des bêtes, livre qui contient un fort riche et intéressant « glossaire ouistiti ». L'auteur est un médecin polygraphe Claude-Charles Pierquin de Gembloux (Bruxelles 1798 - Paris 1863) : « Sa bibliographie forme à elle seule un magnifique poème où se mêlent, s'affrontent et se complètent l'histoire, l'archéologie, la numismatique, la philologie, la pédagogie, la médecine, l'hygiène, la poésie. » Membre d'une cinquantaine de sociétés savantes françaises et étrangères, il publie plus de 160 ouvrages sur les sujets les plus divers.


Cet homme qui a vécu quelques années à Grenoble (il s'y est marié en 1832) ne pouvait pas ne pas appliquer sa fièvre d'écriture à des sujets dauphinois. C'est à ce titre qu'il publie à Grenoble en 1837 un petit opuscule Lettre à M. Gautier, conseiller de préfecture des Hautes-Alpes, sur les antiquités de Gap. En ces années-là, Théodore Gautier rassemble les éléments d'un histoire de la ville de Gap qu'il publiera en 1844. Ainsi, il se rapproche des érudits et des spécialistes, ou ceux qu'il pense être spécialistes. Il est mis en relation avec Pierquin de Gembloux. Comme résultat, celui-ci lui livre une étude sur Gap où, de conjectures en hypothèses, il  arrive à l'exposé de 9 propositions sur l'histoire antique de Gap et son étymologie toutes plus fantaisistes les unes que les autres, le tout avec une apparence de grand logique et d'érudition (pour en savoir plus,cliquez-ici)


Pour donner un exemple, il arrive à la conclusion que Gap a eu deux noms, l'un mystérieux et sacré, Tricorium, l'autre profane, Kapodunum. Quand on sait que le nom antique de Gap est Vappincum, ce qui était déjà bien connu à l'époque, on voit qu'il lui a fallu parcourir du chemin pour arriver à ces noms recréés. Autre exemple, il arrive à reconstituer les armoiries antiques de la ville, son emplacement, son antiquité, etc., le tout à partir du nom d'un lieu-dit moderne, Capadoce, et de quelques découvertes archéologiques.

Le plus étonnant est que Théodore Gautier a repris ces conclusions dans son livre, preuve des lacunes dans sa culture historique. Un de ses contemporains, le bibliophile et bibliographe Colomb de Batines a tout de suite vu que tout cela n'avait aucune valeur historique. Dans son Annuaire bibliographique du Dauphiné pour 1837, il affirme "cet opuscule, selon nous tout conjectural, et dont les conclusions sont, tout au moins, fort hasardées".

La fièvre polygraphe de Pierquin de Gembloux s'est exercée sur de nombreux autres thèmes dauphinois, dont il donne la liste dans la plaquette :
1reÉtude.—Lettres à M. Matter sur les Antiquités de Grenoble.
2e. — Lettre à M. de Coston sur un Monument de Théologie arithmétique existant à Valbonnais.
3e. — De la Mythologie du département de l'Isère.
4e. — Des différents noms portés par la rivière Isère dans l'antiquité.
5e. — Inductions philologiques sur Quintus Curtius Rufus.
6e. — Lettre à M. Gautier sur les Antiquités de Gap.
7e. — Géographie du Delta celtique.
8e. — Sur l'état de l'Art dramatique chez les Allobroges.
9e. — Histoire littéraire du Delta celtique.
10e.— Lettres sur quelques erreurs commises dans l'explication de certains monuments paléographiques du Delta celtique.
11e.— Des traces laissées par le phénicien, le punique, le grec et l'arabe dans les dialectes néo-latins du Dauphiné.

Même si rien ne l'indique, il s'agit probablement plus de projets que d'ouvrages réellement parus. Seuls quelques uns d'entre eux semblent avoir été publiés. Au CCFr, on trouve :
Lettres à M. Matter, membre de l'institut, sur les antiquités de Grenoble, Grenoble, Baratier frères et fils, 1836
Lettre sur un monument de théologie arithmétique, Grenoble, Baratier frères et fils, 1837.
Lettre à M. Cournot, recteur de l'académie de Grenoble, sur les différents noms donnés à la rivière Isère, Bourges, impr. de G. Ménacé (sic), s. d.

Ensuite, comme on l'a vu, il s'est penché sur d'autres sujets. Sur Pierquin de Gembloux, voir la notice Wikipedia.

L'idée de ce billet m'est venu suite à échange récent avec Olivier Justafré, qui a fait paraître en 2011, Graines de folie. Supplément aux Fous littéraires, aux éditions Anagrammes.



Il m'a ainsi fait découvrir quelques fous dauphinois comme Bobila ou Gaspard Godard, etc.

Dans cet ouvrage, se trouve référencé mon fou littéraire haut-alpin préféré : Jacques François Joseph Rochas, le juge auteur du Nouveau pas sur les sentiers de la nature.... en 1808 (voir le message que je lui ai consacré : Un fou littéraire haut-alpin).


Cela m'a amené à réfléchir à d'autres fous littéraires haut-alpins. J'ai évidemment pensé à Louis Manent, alias Théodore Mital avec son opuscule politique : Faut-il fusiller 300 000 ouvriers en France? L'abolition des castes sociales. La méthode de travail. Les Eglises laïcisées. La libre pensée. La défense dans la République, paru à Guillestre vers 1906 (voir le message que je lui ai consacré : Un message de circonstance !)


Plus original que fou à proprement parler, le sous-préfet Barthélemy Chaix a fait paraître un pavé en 1845, à 85 ans : 
Préoccupations statistiques, géographiques, pittoresques et synoptiques du département des Hautes-Alpes.
Reconnaissance, topographie des diverses localités :
Mappe départementale. – Climatologie. – Minéralogie industrielle. – Orographie et géologie. – Géographie végétale. – Faune et anthropologie.
Ethnographie. – Condition rétrospective, l'historique du pays. – Economie départementale, etc. – Agronomie, agriculture. – Viabilité, communications. – Instituts de secours publics. – Contributions, charges publiques.
Grenoble, Typographie F. Allier, 1845, in-8°, 979-[5] pp., une planche gravée hors texte in fine.
C'est un ouvrage inclassable sur les Hautes-Alpes et, plus particulièrement, sur le Briançonnais. L'auteur aborde de façon désordonnée et foisonnante de nombreux aspects de la vie dans les Hautes-Alpes. Il est intéressant sur la diffusion du Fouriérisme parmi les élites du département. En effet, tout au long du livre, Chaix se fait l'apôtre de Fouriérisme comme solution aux problèmes des Alpes. Il voit en particulier la création de la communauté agricole comme une réponse aux problèmes les plus variés de l'agriculture, en particulier le déboisement.


Ce qui le rend original, c'est son style inimitable, aux comparaisons surprenantes. A titre d'illustration cette description du massif des Ecrins :
« En hiver, un œil d'aéronaute placé dans la verticale du zénith des Alpes dauphinoises, du Pelvoux, de la Vallouise par exemple, verrait un relief de belle porcelaine, avec des ombres purpurines, comme une étendue de feuilles roses blanches, avec reflets carminés.
Pendant l'été, ce même œil verrait d'une grande altitude une représentation de la lune dans le champ d'un télescope, à une moindre élévation un horizon de mer houleuse et à une certaine proximité un tas d'artichauds.»

A ma connaissance, c'est la seule fois où le massif des Ecrins a été comparé à un tas d'artichauts.

J'ai parcouru l'ensemble de ma bibliographie des Hautes-Alpes à la recherche d'autres fous littéraires. La moisson est pauvre. Le plus souvent, il s'agit plus d'originaux que de fous à proprement parler. D'ailleurs, plus généralement, c'est à mettre en rapport avec le peu de production littéraire dans le département. Peut-être que la montagne est plus propice aux préoccupations pratiques qu'aux œuvres d'imagination (il en faut presque en trop pour être un bon fou littéraire). On peut tout de même citer :
Ernest Chabrand (1850-1921), ingénieur des Arts et Métiers. Lorsqu'il s'aventure dans les recherches historiques, il arrive à des conclusions pour le moins surprenantes : Origine étymologique et Signification du Nom de Gap, Grenoble, Xavier Drevet, Editeur, s.d. (1904) et Le Bacchu-ber. Son origine – Signification de son nom, Grenoble, Xavier Drevet, Editeur, s.d. (1920). Remarquons au passage que les recherches étymologiques sont souvent un champ ouvert à l'imagination la plus débridée.

Le poète et boulanger briançonnais Jean-Pierre Cot (1810-1880) se fait le défenseur de l'emplacement de la gare de Briançon au Champ de Mars dans une petite plaquette : Au conseil municipal de la ville de Briançon. Rapport sur le chemin de fer de Briançon et sur la nécessité de faire établir la gare militaire aux portes de la ville, Grenoble, Imprimerie de F. Allier père et fils, 1876. Il conclut : "le pays s'endort sur les bords d'un abîme", "ne demeurez pas sourds à cette voix qui vibre dans mon cœur de poëte, dans mon âme attristée et qui vient en ce jour vibrer à vos oreilles". Jean-Pierre Cot demanda et obtint une audience du Président de la République, Jules Grévy, pour défendre l'emplacement de la gare de Briançon au Champ de Mars. Jules Grévy l'écouta mais lui dit qu'il n'y pouvait rien (déjà !)


Il est aussi l'auteur de : Les cloches du christianisme, poème historique et sentimental, Briançon, Chez l'auteur, 1859, in-12 °, 72 pp., publié à l'occasion d'une bénédiction de cloches à Briançon.
Michel B. Courtier : Le vrai visage de Montgenèvre. Les messages de l'histoire, 1981, une étude sur le rôle de Montgenèvre comme lieu de passage et établissement humain depuis la préhistoire, tendant à transformer, à coups de phrase en capitales et caractères gras, ce modeste bourg, certes sur un col historique, en un lieu unique de l'histoire.

Je n'ai jamais vu cet ouvrage : Recueil de chansons, par Jeanselme, boulanger à Embrun, Embrun, impr. de Jugy, (1874), mais il y a du potentiel.

De Grenoble à la Bérarde. Notice., par J. Massip, Chemisier à Grenoble, Rue Jean-Jacques Rousseau, Grenoble, Imprimerie Vallier Edouard, 1899 est un récit naïf, circonstancié et vivant d'une excursion (en tram, puis à pieds) de Grenoble à la Bérarde en juin 1897. La touche de fantaisie naïve n'en fait pas à proprement parler un fou littéraire, mais l'ouvrage est tout de même surprenant.

J'ajoute à la liste Victor Monard (1810-1867), poète local d'Orpierre (il se qualifie lui-même de "poète-naturel et troubadour des Alpes"), très largement oublié aujourd'hui alors qu'il a, le premier, publié des textes originaux en provençal haut-alpin (région d'Orpierre). Parmi les titres, il y a L'Orpierréïde ou Les Amours de Tityre et d'Adèle, roman pastoral suivi des Aventures de plusieurs autres bergers et de la belle Dindonnière, Gap, impr. J. Allier, 1838 et Les élections du pays de Cocagne, poème héroï-comique divisé en dix chants, suivi de l'Orpierréïde et de plusieurs pièces inédites, Carpentras, Imprimerie de Ve Proyet, 1846, un ensemble assez hétéroclite de poèmes en vers rimés, dans un style lourd, emphatique et souvent familier. Le premier poème conte les discordes municipales de Laragne, appelée Cocagne, dans les années 1830. Tous les noms cités sont fictifs, mais en partie identifiables. Le second poème, l'Orpierréïde, est une suite d'histoires de bergers d'Orpierre traitées à la manière antique.


René Ouvrard : Merveilleuses Alpes dauphinoises. Tome II. Fascination des Fossiles. Recherches du Divin, Gap, Imprimerie Louis-Jean, 1984, un ouvrage au mysticisme exalté (et anti-évolutionniste), qui discourt sur des pierres aux formes étonnantes (des "fossiles" !) glanées au Lac des Solitudes, en face de la Meije. Le faux titre est "Les grands secrets alpins ? Ils siègent dans l'infini des temps !"

Le docteur Prompt qui imagine un train à crémaillère jusqu'au somme de la Meije (3987 m.) est plus un doux rêveur (mais à l'esprit pratique) qu'un fou : Alpes dauphinoises. Hôtel et observatoire de la Meije. Altitude : 4.000 mètres, Grenoble, Imprimerie et lithographie F. Allier père et fils, 1894. Il y décrit un projet d'hôtel et d'observatoire au sommet de la Meije (« plus ou moins écrêtée ») auquel on accéderait par un train à crémaillère depuis la Grave, avec l'étude économique et de rentabilité du projet (déjà un Business Case !).

Le curé Jean Ranguis (1844 - ?) profite de ses monographies communales et historiques : Notice historique sur la communauté d'Ancelles, où sont consignés les principaux évènements qui la concernent et pour en perpétuer le souvenir, Gap, Imprimerie L. Jean et Peyrot, 1899 et Histoire du mandement de Montorcier, Grenoble, Imprimerie Vallier Edouard, 1905 pour faire preuve d'un militantisme clérical, au ton exalté (l'époque s'y prête !). Il publia des brochures contre le régime maçonnique et eut deux fois son traitement supprimé par la République.

Pour finir, je citerais deux personnalités. La première est un autre polygraphe, le jésuite Jean Joseph Rossignol (1726-1811), qui a laissé une masse impressionnante d'ouvrages sur à peu près tous les sujets. Ses œuvres complètes publiées à Turin remplissent 32 volumes. En cherchant bien, on doit bien trouver quelques perles, dans une telle production, d'autant plus qu'au moment de la Révolution, il s'est senti persécuté par ses compatriotes, l'obligeant à fuir précipitamment Embrun où il était professeur. On sait que ce type de mésaventure est propice à la folie littéraire....

L'autre personnalité est le grave et respectable Antoine Français de Nantes dont les livres sont plein de fantaisie et d'invention, avec ce petit grain de folie qui n'en fait pas un fou littéraire, loin de là, mais qui réjouit le lecteur. 


J'en ai déjà parlé, je renvoie à ce que j'en ai dit, surtout à cet ouvrage qui est celui que je préfère :
Le manuscrit de feu M. Jérome, contenant son œuvre inédite, une notice biographique sur sa personne, un fac similé de son écriture, et le portrait de cet illustre contemporain, Paris, 1825 (pour en savoir plus cliquez-ici).

Haute Montagne, Pierre Dalloz

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Parmi les ouvrages qui ont illustré le deuxième âge d'or de l'alpinisme, qui se situe entre les deux guerres, Haute Montagne, de Pierre Dalloz, a une place à part. 




C'est d'abord un magnifique ouvrage de photographies, qui reproduit 88 reproductions, dans un "album [qui] est la somme des principaux exploits de l'alpinisme français d'après guerre. Bon nombre de photographies qui y sont incluses sont des documents uniques, rapportés d'escalades fort périlleuses qui n'ont été faites qu'une ou deux fois." Les photographes sont bien entendu Pierre Dalloz, mais aussi Marcel Ichac, Jean Escarra, Henry de Ségogne, Robert Tézenas de Montcel, Bobi Arsandaux, Jean Vernet, Joseph Vallot, Etienne Brühl, Daniel Chalonge, Jacques Lagarde, Tom de Lépiney, etc. Pour ceux qui connaissent les principaux acteurs de l'alpinisme de l'entre-deux-guerres, ils y reconnaîtront le gotha de l'alpinisme français.



Le deuxième intérêt de l'ouvrage est le très beau texte introductif de Pierre Dalloz : Zenith.

Pierre Dalloz (1900-1992), architecte, a été un des plus grands alpinistes de l'entre-deux-guerres (cliquez-ici). Il est aussi un des animateurs du maquis du Vercors pendant la guerre.

Enfin, l'intérêt de cet exemplaire est qu'il s'agit d'un des exemplaires du tirage de tête avec un envoi de Pierre Dalloz à Jacques Lagarde.

Certes, Jacques Lagarde est l'auteur de cette très belle vue de la face sud des Ecrins :

Face Sud-Est des Ecrins (pl. 73)

Mais surtout, Jacques Lagarde (1900-1968) est un des plus grands alpinistes de cette époque (cliquez-ici). Il a été compagnon de cordée de Pierre Dalloz pour réussir quelques grandes courses dans les Alpes françaises. On peut signaler le couloir nord-ouest du Pic Sans Nom dans le Massif des Ecrins, avec Pierre Dalloz, Henry de Ségogne, Georges et Jean Vernet, le 11 juillet 1925 ou l'arête des Grands Montets à l'Aiguille Verte avec Pierre Dalloz et Henry de Ségogne, les 9 et 10 août 1925.

Devant ce compagnonnage montagnard, dans les conditions les plus extêmes, on ne pourra que mieux apprécier la retenue de l'envoi :



Pour finir, une sélection de quelques photographies du massif de la Meije, avec ce grain et ce velouté propres aux ouvrages photographiques de cette époque.

De la Meije centrale, 3973 m., 13 février 1927, midi (pl. 77)


Grand Pic de la Meije (pl. 76)

Le Doigt de la Meije (pl. 31)

Meije centrale (pl. 26)

Une rare aquarelle ancienne de Gap (Hautes-Alpes)

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Les vues anciennes de Gap sont rares. Comme tout le département, il faut vraiment attendre les premiers grands albums lithographiques pour voir apparaître des vues des principales villes et des paysages du département des Hautes-Alpes. Le plus célèbre d'entre eux est l'Album du Dauphiné, paru entre 1836 et 1839, dans lequel on trouve les premières lithographies de Gap.

Quant aux artistes, peu d'entre eux se sont intéressés à la préfecture des Hautes-Alpes. Pour en parler, je dois me fier à ma mémoire ou à ma propre documentation car l'iconographie du département ou du chef-lieu n'a jamais fait l'objet d'aucune étude exhaustive. Tout cela pour relever l'intérêt de cette aquarelle de Gap que je viens d'acquérir. Bien que non datée et non signée, on peut penser qu'elle date du premier tiers du XIXe siècle.


Plusieurs points méritent d'être notés.

Le point de vue est inhabituel. Le premier plan est largement occupé par l'arrière de l'église Saint-André-des-Cordeliers et du couvent alors occupé par les sœurs du Sacré-Coeur de Marie, qui lui était accolé (c'était l'ancien couvent des Cordeliers). On sait d'ailleurs que ce couvent a été acquis par Mgr Arbaud, mort en 1836, qui l'a confié à cette congrégation, après l'avoir rehaussé d'un étage. La vue nous le montre sans cet étage, ce qui nous donne un élément de datation.

J'ai tenté d'identifier le point de vue sur un plan actuel de Gap. Sur cette carte, je pense qu'il se trouve là où est le "A".


L'église Saint-André-des-Cordeliers existe toujours, au début du cours Ladoucette.Cette vue de face permet de voir que si la forme générale du clocher a été respectée par l'aquarelliste, elle ne l'a pas été dans le détail.


Ensuite, au deuxième plan, on voit la ville de Gap elle-même. Le seul monument que l'on reconnait aisément est la cathédrale de Gap. Je n'ai pas identifié les autres monuments, en particulier ce bâtiment surmonté d'un large fronton monumental. Pourtant, Gap est guère riche en monuments imposants.

Le troisième plan est occupé par la montagne de Charance.

Comme signalé, on distingue bien l'ancienne cathédrale de Gap, avec son clocher roman.


Ce détail permet de le comparer à la vue du même clocher dans la lithographie de l'Album du Dauphiné, prise sous le même angle, mais plus au sud. Là aussi, la précision du dessin ne semble pas avoir été la préoccupation majeure de l'artiste.


Enfin, dernier point notable, la présence de deux moulins à vent. Je n'ai pas trouvé de mention de moulins à vent à Gap. Il existait de nombreux moulins à eaux, en particulier sur le cours de la Bonne, mais cette vue nous apprend qu'il y avait aussi des moulins à vent. Ils sont situés dans une zone qui doit en contrebas de l'actuelle rue Carnot. On peut probablement rapprocher la tour ronde à gauche de la vue de l'Album du Dauphiné comme le reste d'un des moulins à vent, qui a perdu ses ailes.

Pour finir ce message, ce détail sur les deux personnages du premier plan, probablement une mère et son fils, doit nous conforter dans la datation de l'aquarelle. Le costume de la femme rappelle les tenues des femmes dans le premier tiers du XIXe siècle. Sûrement qu'un amateur versé dans la connaissance du costume féminin saura trouver un détail qui permettrait d'affiner la date.



Un libré en patois d'Aguillés : deux rares plaquettes en patois du Queyras

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Au moment même où les langues régionales reculaient devant le double assauts des brassages de populations de l’ère industrielle et le développement de l'enseignement laïc et républicain, il se trouvait dans nos régions des érudits ou de simples amateurs qui essayaient de sauver ce qui restait de ces langues ancestrales. Dans les Hautes-Alpes, comme souvent ailleurs, le clergé et les notables locaux étaient à l'avant-garde de cette "défense et illustration" du patois local.


Ainsi, Jean Guérin (1838-1917), un prêtre originaire d'Aiguilles, dans le Queyras (Hautes-Alpes), membre d'une famille notable de la région (au moment de sa naissance, son père Jean Guérin est maire de la commune), a peu à peu accumulé des écrits en patois d'Aiguilles. Commencé en 1856, il a constitué en 1907 une petite collection de textes : contes, sermon, traduction des fables de La Fontaine, proverbes, argot (en réalité des mots familiers du quotidien), etc. Il décide alors de rassembler ces textes dans une petite plaquette :
Un libré en patois d'Aguillés (1856-1907), sous le pseudonyme de Jon Bourboun de la Béléèro (Il semble que Bourboun est le surnom de sa famille Guérin, surnom qui devait permettre de la distinguer des nombreuses autres familles Guérin d'Aiguilles).


A qui s'adresser pour imprimer cette plaquette ? Évidemment, il ne pouvait que demander à un autre Queyrassin voire même à un compatriote d'Aiguilles. Il se trouve qu'André Eyméoud, né à Aiguilles en 1868, qui est liée par sa mère à une des très importantes familles de Queyrassins négociants en Amérique du Sud, est imprimeur à Paris, depuis 1900. C'est donc lui qui assure l'impression de la plaquette, comme en fait foi la page de titre (sur André Eyméoud : cliquez-ici)

Pour l’anecdote, l'imprimerie, installée au 2 passage du Caire (IIearrondissement de Paris) dans une maison ornée de motifs égyptiens, a été photographiée par Atget vers 1907.


Le détail de l'enseigne d'André Eyméoud apparaît distinctement :


Le tirage a été réduit (combien ? 100, peut-être 200 exemplaires). Quelques années plus tard, deux de ses petits-neveux, Albert Guérin (Avignon 24/3/1893 – Buenos Aires 19/3/1974) et Prosper Guérin (Aiguilles 19/9/1894 – Aiguilles 11/9/1961), deux frères qui ont fait une carrière commerciale à Buenos Aires décident de donne une nouvelle édition en "foto (sic) impression", par les établissements Plantié de Buenos-Aires. Ils ajoutent seulement une planche liminaire avec un portrait de l'abbé Guérin et orne la couverture d'une photo de leur "petite patrie" : Aiguilles.



Ces plaquettes sont certes modestes, mais elles témoignent  d'un parler. Elles mériteraient d'être connues. Pourtant, elles sont d'une très grande rareté. On n'en trouve aucun exemplaire ni à la BNF (ce qui arrive souvent pour ce type d'impressions), ni dans les bibliothèques publiques en France (CCFr). En particulier, elles sont absentes du fonds dauphinois de la Bibliothèque Municipale de Grenoble. Pour ma part, j'avais acquis l'édition de 1907 en 2004 et je viens d'acquérir celle de 1949 ce mois-ci. Je ne les ai jamais vues auparavant.

Pour voir la page que je leur  consacre : cliquez-ici.

Pour conclure, quelques proverbes en patois d'Aiguilles :


Le Dauphiné illustré par Michel Béret

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Michel Béret (1914-1966) est un graveur un peu tombé dans l'oubli. Le hasard d'un achat me l'a fait découvrir.

Il est né à Saint-Lattier (Isère) le 19 avril 1914. Surtout actif comme graveur (il semble aussi avoir été peintre, mais je n'ai pas trouvé de référence d'œuvres), il a illustré quelques ouvrages, essentiellement avec la technique du burin sur cuivre. Au sein de sa production, on peut relever : Images de Paris, 1948, Images d'Alsace, 1949, Douze Sonnets de Ronsard, 1950, Venise, masques et façades, 1953 ou Voltaire. Le Monde comme il va, 1964 ("Les Cent femmes amies des livres").
Il est décédé à Paris le 16 septembre 1966.

En 1956, il publie à compte d'auteur un recueil de 15 gravures au burin sur cuivre, pour illustrer Les mémoires d'un touriste, de Stendhal, pour tout ce qui concerne le Dauphiné. L'ensemble est présenté en feuilles dans un petit in-12 oblong, sous couvertures rempliées, dans une chemise illustrée, elle même contenue dans un étui illustré. C'est une publication de luxe, tirée à 185 exemplaires.


Etui et chemise

 Couverture illustrée d'une vue de Pont-en-Royans

Titre illustré d'une gravure représentant le Vercors

Cette vue de Grenoble est une bonne illustration de la qualité de la gravure de Michel Béret :


Parmi les 15 gravures, 4 représentent les Hautes-Alpes, n'hésitant pas à s'éloigner du texte de Stendhal. En effet, celui-ci n'a jamais vu la face sud de la Meije ou visité Saint-Véran. On lui pardonne cette "entorse", pour le plaisir de nos yeux.

La Meije

Briançon

Saint-Véran


Château-Queyras

Mon exemplaire n'appartient pas aux 35 exemplaires sur 185 du tirage de tête. Malgré cela, il contient un dessin original de l'auteur, sur calque, représentant la face sud de la Meije, qui a servi de modèle pour la gravure définitive (voir ci-dessus). Il vient enrichir ma collection des vues de ce sommet.






Pour finir :
Détail de la chemise, avec une vue de la vallée du Drac

Détail de l'étui avec les armes du Dauphiné


Pour consulter la page que j'ai consacré à cet ouvrage :
Stendhal. "Mémoires d'un touriste." Le Dauphiné, illustré par Michel Béret.


Gastronomie dauphinoise

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Pour paraphraser une phrase célèbre : « Rien de ce qui est dauphinois ne m’est étranger ». C’est en appliquant cette maxime que je me suis attentivement penché sur une vente entièrement consacrée à la gastronomie, qui a eu lieu à Paris il y a quelques semaines. De tout cela, il est ressorti deux acquisitions, à la croisée entre la gastronomie et le Dauphiné.


La première acquisition est un rare mémoire sur le commerce de la viande de boucherie à Grenoble au XVIIIe siècle. L’intérêt de ce texte rejoint aussi les grands mouvements de la pensée économique de cette fin du siècle des Lumières. Le sujet en est simple. Chaque année, un accord était passé entre la municipalité de Grenoble et un ensemble de bouchers sur l’approvisionnement en viande de la ville, avec des  quantités définies et des prix fixes, selon les périodes de l’année. L’accord de 1769 a été très mal respecté, les bouchers ne se sont pas conformés aux prix convenus, l’approvisionnement n’a pas été de qualité. Un conseiller au Parlement du Dauphiné, probablement Claude Gaspard Berger de Moydieu, pétri des théories et principes des physiocrates, s’empare du sujet et produit un mémoire, publié en février 1770, pour répondre à la question très simple (et toujours d’actualité, voir le récent débat sur le prix de l’électricité) : "s'il est une méthode sure d'approvisionner suffisamment et constamment les Villes, est-ce d'invoquer l'autorité et de fixer les prix d'une manière juridique, ou d'appeler la liberté, et de laisser jouir les denrées de leur valeur, et les acheteurs se les procurer par des conventions libres ?"

La réponse du conseiller est simple : la liberté du commerce vaut mieux. Il développe sa démonstration en quatre points :
- L'injustice sociale que constitue ce prix unique, et le mécontentement des consommateurs.
- L'absence de rationalité économique du prix unique des viandes de bœuf et de mouton.
- La rareté des bonnes espèces à proximité de Grenoble où les bas prix n'encouragent pas l'élevage.
- La difficulté à obtenir à Grenoble des viandes de qualité, celles-ci allant là où les prix sont plus élevés.
Ce mémoire est publié dans les Éphémérides du citoyen, ou Bibliothèque raisonnée des sciences morales et politiques, tomes IX et X, 1770, le journal des Physiocrates. Sans que l’on sache dans quel ordre les publications ont été faites, le mémoire est aussi imprimé à Grenoble par Faure, sans date :
Mémoire concernant le commerce de la viande de boucherie, par un magistrat du Parlement de Dauphiné
Grenoble, Faure, Imprimeur-Libraire, s.d. (1770), in-12, 125 pp.



C’est ce rare mémoire qui vient de rejoindre ma bibliothèque. Je dis rare car il n’en n’existe qu’un seul exemplaire dans les bibliothèques publiques, à la BNF. La Bibliothèque Municipale de Grenoble, dans le fonds Dauphinois, ne possède que l’extrait des Éphémérides, ainsi qu’une version manuscrite de ce mémoire.

Ce texte, qui mériterait de plus longs développements, est intéressant car il situe bien la pénétration des idées nouvelles parmi les membres de ce Parlement de Province, parlement dont le rôle a été déterminant quelques années plus tard dans le déclenchement de la Révolution.

Mon exemplaire a appartenu à la bibliothèque de la famille princière Starhemberg, au château d'Eferding.en Autriche (Fürstlich-Starhemberg'sche Familien Bibliothek. *Schloss Eferding*). On peut s’interroger sur l’intérêt de posséder un tel ouvrage dans leur bibliothèque. Il a ensuite appartenu à l'Österreich Bibliothek, dont l’ex-libris qui ne porte que les deux grandes lettres capitales O.B. recouvre totalement le cachet du précédent propriétaire, que l’on ne peut identifier que par transparence.

Juste un mot sur l’auteur du mémoire. Nous avons suivi René Favier, qui l’identifie dans un bon article de synthèse : Le marché de la viande à Grenoble au XVIIIe siècle. In: Histoire, économie et société. 1994, 13e année, n°4. pp. 583-604 (accessible sur Persée). Né à Grenoble en 1732 et mort à La Verpillière en 1807, Claude Gaspard Berger de Moydieu appartient à une famille de magistrats du Parlement du Dauphiné à Grenoble. Conseiller de ce Parlement de  1754 à 1775, il sera ensuite procureur général de 1779 à 1789, jusqu’à sa suppression. Il est aussi l’auteur d’une pièce Jouachim, bey de Tunis, ou le Saut périlleux. Tragédie burlesque en trois actes et en vers, 1781, A Tunis, de l'imprimerie du Divan [Grenoble], composé en 1763, à l'occasion des démêles du marquis Du Mesnil avec le parlement de Grenoble, ainsi que, selon Rochas, d’un mémoire sur la liberté des grains, autre sujet de prédilection des physiocrates.

Pour revenir à un deuxième ouvrage plus gastronomique (la liberté de vente de la viande de boucherie à Grenoble, est-ce vraiment de la gastronomie ?), c’est un exemplaire du tirage de tête de La cuisine dauphinoise à travers les siècles, par René Fonvieille, paru en 1983, qui vient lui aussi orner ma bibliothèque dauphinoise. 


C’est un des 8 exemplaires hors commerce reliés en maroquin par Daniel Saporito, un relieur grenoblois bien connu. 


Cet ouvrage, bien illustré, est une mine d’informations sur les plats régionaux, aussi variés que l’est la géographie de l’ancienne province. Je tiens à disposition la recette du gratin dauphinois telle que la préconise René Fonvieille.

Pour aller plus loin, sur le site Bibliothèque Dauphinoise, cliquez-ici.

Gastronomie dauphinoise (bis)

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A la demande générale, je vous donne la recette du Gratin Dauphinois, telle que la décrit René Fonvieille dans son ouvrage (voir message précédent). Au passage, je remarque que lorsque on parle de bien manger, il y des commentaires. En revanche, lorsque il s'agit de théories économiques (le prix de la viande doit-il être libre ou pas ?) je sens moins d'enthousiasme, même si je ne doute pas de l'intérêt de mes lecteurs au sujet de cette question cruciale.



Pour en revenir à la recette, elle est précédée de quelque considérations sur l'introduction de la pomme de terre en Dauphiné. La thèse de l'auteur, probablement juste, est que le diffusion de la pomme de terre a largement précédé les initiatives de Parmentier (encore un qui a su gérer son image, avant l'heure des communicants!). Je vous laisse découvrir et, pour les cuisiniers, tester cette recette : La cuisine dauphinoise à travers les siècles, René Fonvieille, pp. 215-217 :

Le « gratin dauphinois » est connu du monde entier, peut-on dire sans trop d'exagération, ce qui est, certes, une référence flatteuse pour un plat régional. Mais cela a eu une conséquence fâcheuse : celle de laisser croire par cette étouffante renommée, que le Dauphiné ne connaît que cette spécialité. J'espère avoir apporté la preuve de la richesse gastronomique de notre province depuis des siècles.

Au point de vue historique, l'erreur fondamentale est de croire que le gratin a attendu Parmentier pour apparaître sur les tables dauphinoises. Un homme d'une vaste culture me disait : « Votre gratin n'a pu être confectionné qu'à la fin du XVIIIe siècle, après les travaux scientifiques de Parmentier ». Je pense avoir démontré (voir dans le chapitre consacré aux légumes, la notice sur la pomme de terre) que les paysans dauphinois ont pu l'apprécier dès le XVIesiècle, car c'est à cette époque que la pomme de terre, originaire d'Amérique, a pénétré en Dauphiné par la Suisse, qui l'avait reçue elle-même de l'Allemagne. Si bien que l'on peut dire que c'est le Dauphiné qui a accueilli la pomme de terre, avant toutes les autres régions de France.

J'ai expliqué aussi pourquoi le gratin de pommes de terre n'est apparu sur les tables distinguées que beaucoup plus tard : par snobisme, après la campagne publicitaire (ce n'était que cela) de Parmentier, encouragé par Louis XVI, qui craignait de mauvaises récoltes de céréales. Cela n'a donc rien d'étonnant que la première mention du gratin dans les documents d'archives dauphinois relatifs aux repas d'apparat ne soit que de la fin du XVIIIe siècle. Le gratin figure dans le menu d'un dîner offert le 12 juillet 1788 aux officiers municipaux de Gap mandés à Grenoble par le lieutenant général de Clermont-Tonnerre (arch. Grenoble CC 1128).

De nombreux ouvrages culinaires donnent la recette du « vrai gratin dauphinois» mais beaucoup comportent des contre-indications graves. La recette est toute simple ; il n'y a pas lieu d'en « rajouter » comme le conseillent certains augures (on pourrait citer de très grands noms).

« Coupez en rondelles fines et d'égale épaisseur (1 mm et demi environ) des pommes de terre d'excellente qualité à chair farineuse (voir plus loin les variétés recommandées)

Prenez de préférence un plat de terre, dont vous frotterez le fond et les côtés avec une gousse d'ail. Ensuite beurrez légèrement.

Déposez dans le plat une couche de pommes de terre, salez et poivrez. Posez ainsi plusieurs lits en assaisonnant chaque fois. Les amateurs d'ail peuvent parsemer chaque couche d'un peu d'ail, mais très modérément, car il suffit d'un soupçon de goût.

Versez dans le plat du lait entier et de la crème, de telle façon que les rondelles de pommes de terre baignent presque entièrement, c'est-à-dire que les dernières rondelles doivent rester légèrement apparentes. On peut ajouter quelques noisettes de beurre.

Mettez le plat au four assez chaud, puis augmenter la chaleur jusqu'à ce que le liquide entre en ébullition. Puis ralentissez un peu et laissez cuire pendant trois quart d'heure environ, ou plus suivant la qualité de la pomme de terre.

Surveillez de temps en temps, pour voir si les pommes de terre n'ont pas trop absorbé le lait et la crème. En ce cas, rajoutez-en. Il faut que le dessus ait pris une belle couleur (le four ne doit pas être trop vif : sinon le dessus serait calciné et les pommes du dessous ne seraient pas cuites à point).

Présentez dans le plat de terre qui a servi à la cuisson, en sortant du four.

Surtout n'ajoutez pas d'œufs ni de fromage. Sinon ce n'est plus le gratin dauphinois. Les œufs privent le gratin du moelleux et de l'onctueux qui sont ses caractéristiques, en y laissant des caillots qui en gâtent l'aspect et la finesse. Le fromage enlève la délicate saveur du lait crémeux.

On peut varier la quantité de crème à mélanger au lait. Agissez suivant votre goût. Certains ne mettent que de la crème ; c'est un peu lourd pour des estomacs fragiles, mais c'est exquis (à condition d'employer de la crème légère, dite Fleurette).

Il va de soi que la qualité des pommes de terre est d'une grande importance. Autrefois, on utilisait celles à chair blanche, moyennes, farineuses, comme « Institut de Beauvais ». Il est préférable de choisir la bintje à chair jaune, qui est moelleuse. On peut se reporter également sur la belle de Fontenay, essteling, viola, arly. Les délicats vous diront qu'après la fin de l'année, il faut utiliser d'autres variétés qui se conservent mieux, ker pondy, par exemple. Il est certain que les pommes de terre de montagne, venues en terre sablonneuse et jamais détrempée, sont les meilleures pour le gratin, car elles sont fondantes. N'utilisez jamais des pommes de terre nouvelles.

Comme l'a indiqué Maurice Champavier avec la pointe d'exagération qui convient à un poète :
Un gratin cuit à point est le régal suprême !
En pays dauphinois, c'est un plat vénéré,
L'élément familial si souvent savouré,
Mets d'été, mets d'hiver et même de carême...
Certains gourmets agrémentent le gratin dauphinois en y ajoutant, avant la fin de la cuisson, quelque alouettes ou becfigues. Un autre poète grenoblois, Henri Second, a même écrit un sonnet en l'honneur du « gratin aux becfigues » et dans lequel il donne ces conseils :
Le gratin cuit presque aux trois quarts,
En damier, sur lui, l'on dispose
Becfigues gras dont la chair rosé
Juste sous des bardes de lards.
Ce jus délicieux parfume
Votre gratin qu'un gourmet hume...

De plus délicats encore vous diront qu'il ne faut pas disposer les oiseaux sur le gratin, mais les enfouir dedans après avoir soulevé partiellement les premières pommes de terre qui commencent à prendre couleur.

Maquisards et Gestapo, de Richard-Duchamblo, exemplaires de l'auteur et de ses parents

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Il y a quelques années, je présentais la collection complète de Maquisards et Gesatapo, 19 cahiers parus entre 1946 et 1949 à Gap, rédigés par le père Joseph Richard (1906-2003), dit Duchamblo en Résistance, qui entreprit un travail de mémorialiste sur la Résistance dans les Hautes-Alpes.


Comme je le disais à l'époque, une telle série complète est une rareté, car aucun des grands dépôts publics n'en possède une collection complète.

Depuis, j'ai eu la chance de pouvoir dénicher une autre série, certes incomplète (il manque les 5 premiers cahiers), qui contient 25 fascicules, dont certains sur grand papier, ayant appartenu à Richard-Duchamblo lui-même et à ses parents, avec envois et notes manuscrites.

Cette collection des cahiers de Maquisards et Gestapo, du 6e au 19ecahier comporte des exemplaires en double ou en triple. Le total représente 25 exemplaires. En règle générale, il y a deux exemplaires. Le premier est l'exemplaire personnel de l'abbé Richard-Duchamblo, sur papier courant, portant sa signature, avec parfois des notes manuscrites ou des documents et le deuxième un exemplaire sur papier vélin (exemplaire de « luxe ») avec des envois de l'abbé Richard à ses parents.

Pour donner quelques exemples afin d'illustrer l'intérêt de cette série :

Cahier hors-série. Paul Héraud (Commandant Dumont).

Un exemplaire du tirage de tête sur vélin, un des 200 exemplaires du tirage de luxe (n° 45) avec envoi à ses parents :
« Cher Papa et Maman, voici l'exemplaire de luxe que les éditeurs vous ont réservé et que j'ai la joie de vous transmettre, Joseph +, Gap 30 Oct 46. » 


Un exemplaire du tirage courant avec plus d'une dizaine de notes manuscrites de l'abbé Richard-Duchamblo : 


Dixième cahier
Un exemplaire sur vélin avec envoi à sa mère : «A Maman pour son anniversaire, 4 mars 48, Joseph +, Gap, 8 mars 48. ». Notons que l'exemplaire est en partie non coupée :


Douzième cahier
Ce cahier est particulièrement intéressant. C'est un exemplaire du tirage courant avec signature manuscrite « Duchamblo » et mention « Personnel » sur la couverture :


Il contient des notes manuscrites pour plusieurs articles, comme celui sur Les maquis de Champoléon en 1943 :


Surtout, il contient deux feuillets tapuscrits avec, au recto, un texte « Révision générale Douzième cahier », daté et signé en fin « R. D. oct 48 », à propos des carnets du lieutenant Rouxel dont Richard-Duchamblo a eu communication par les parents du lieutenant.


C'est une pièce inédite.

Il contient aussi deux petits feuillets, visiblement extraits d'un carnet, portant des notes manuscrites au crayon à papier, difficilement lisibles, sur Paul-Marie Radius.


Les lieutenants Rouxel et Radius se sont illustrés au sein de la Résistance dans les Hautes-Alpes.

En définitive, avec cette collection, je possède tous les cahiers du 7e au 19e sur un papier vélin  de bonne qualité, plus fort pour les premiers, qui les distinguent des exemplaires sur papier courant, papier de mauvaise qualité comme on devait seulement en trouver à la sortie de la guerre.

Pour une description précise et complète : cliquez-ici.

Pour conclure ce message, cette photo de lui-même, assez humoristique, où l'on voit les deux personnalités de Joseph Richard : l'abbé Richard et le résistant Duchamblo.


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